lundi 20 juin 2016

Lettre de Cyrille à sa maman du 20 juin 1916

« Ma chère Maman
Je viens de recevoir ta lettre datée du 11 courant qu’elle m’a fait bien plaisir de vous savoir toujours en bonne santé, et moi j’en suit de même, je me porte toujours en parfaite santé et j’espère que ma lettre vous trouve à toute la famille de même. Car moi je suis dans la Meuse et à cinq kms des Boches et maintenant j’entend bombarder les marmites et pendant le repos l’on nous fait arranger une route et j’ai vu déjà des marmites tomber et de temps en temps ils ont envoyés des marmites et l’on voit tous les jours des aéroplanes, même des boches mais ça m’a fait absolument rien, je croyais que ça allait me faire plus peur que cela mais maintenant j’en ai pris l’habitude, l’on dirait que l’on est au 14 juillet à la fête. Enfin chère maman, ne te fais pas du mauvais pour moi car il faut prendre le temps comme il vient, mais j’ai vu des anciens qu’ils avaient été déjà au front et qu’ils sont plus peureux que moi, je suis très content de cette lettre datée du 16 courant pour te faire savoir de mes nouvelles et comme vous avez du comprendre en écrivant au savon et tu mouillera mes lettres, il fait que tu verras tout et tu m’écrira aussi de même car ils ne veulent que l’on dise rien ou l’on est et les lettres que tu les verra toutes blanche, ce sera ça.
Enfin chère maman tu me dis que Maziere ne veut pas acheter du crin et alors tu dois être bien embêtée mais je lui écrit aussi en même temps qu’a toi et tu me dis que Eugene voulait partir, mais qu’est ce qui lui prends encore, peut être qu’on lui monte la tète mais tu as bien fait de lui donner cinq francs de plus, ce n’est pas une affaire mais pour le moment il faut prendre patience pour tout. Mais enfin chère maman je crois que tu ne dois pas te faire de mauvais sang et surtout de te soigner. Il faut espérer que Dieu nous laissera pas mais je pense que les arabes ne doivent pas te faire de mauvais sang  et qu’ils doivent écouter, hier j’ai écrit à Eugene mais je ne savais pas qu’il voulait partir car tu peux lui dire que je lui avait envoyé une lettre non pas une carte. Car tu lui diras si je suis un peu tranquille, c’est que je vais lui écrire quelques mots. Enfin chère maman je ne vois plus grand-chose à te dire pour le moment en attendant de monter aux tranchées, on monte demain soir dans la nuit pour douze jours et l’on dit que après l’on doit aller au mois au repos a cause du carême des indigènes, en ce moment je t’écrit au son des marmites. Donne bien le bonjour chez Julo et aux amis sans oublier Eugene, Naoui et Siladi et Messaoud et les autres arabes.
Embrasse bien fort mon petit René, ma Guiguitte et Berthe, Julie et la petite Alice qu’elle doit commencer à parler.
Reçois chère maman, mes meilleures grosses caresses de ton fils Cyrille Fortier.
3eme Tirailleur de marche

2eme compagnie de Mitrailleuse. SP 132 »

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