« 9
- 7 – 15
Chère
Maman
Je
t’écris pour te donner de mes nouvelles, je me porte toujours bien et je pense
que ma présente vous trouve à tous de même.
Il
est 9 heures 20 je suis de garde au poste et je profite pour écrire car dans le
jour on a du travail par-dessus la tête. Tu me dis que Cyrille est versé à Bône
aux tirailleurs je suis content car il pourra toujours avoir une embusque et
s’il vient au front il ne viendra qu’après l’hiver ce ne seras que l’occupation
du territoire ennemi par les troupes alliées. Je pense qu’il tacheras de voir
mon parrain et ma marraine, je leur ai écrit ils ne m’ont pas répondu.
La
tante Anna m’a envoyé 5F00 je vais lui envoyer quelques bagues pour lui faire
plaisir.
Je
désire que tu me dise si le blé nous a rapporté beaucoup et de combien il nous
as rendu et a combien tu as traité.
Les
voleurs doivent tourner mais si dieu veut que je retourne, je pense que j’en
descendrai quelques uns car j’ai vécu et je commence a savoir ce que c’est que
la vie de l’homme et il ne faudras pas
que l’on m’embête aussi bien du plus gros jusqu’au plus petit parceque on
voir la mort quelque fois bien prêt mais ça ne fais rien, nous ne sommes pas
des fortier pour
rien, je vois à présent que ce que le pauvre papa me disait que c’est vrai et
je voudrais qu’il soit encore en vie pour lui raconter les trucs de la guerre,
je sais que ça lui ferait bien plaisir.
C’est
la destinée
Je
pense que le travail doit bien marcher et que les ouvriers ne doivent pas te
faire du mauvais sang.
Monsieur
Eugene doit faire de son mieux, c’est lui le patron j’ai reçu sa carte qui m’a
fait bien plaisir de voir qu’il ne vous abandonne pas.
Je
termine ma lettre en vous embrassant à tous, Ton fils pour la vie.
Gustave
Fortier »
« ….tu
me dis que Cyrille
est versé à Bône aux Tirailleurs »
Cyrille est en effet au 3eme
Régiment de Tirailleurs Algériens basé à Bône à l’est de l’Algérie. Vers fin
aout 1915, il est né le 23 aout 1895, donc incorporé normalement à 20 ans. Sa
1ere lettre sera daté du 26 septembre 1915.
Cyrille Fortier, frère de Gustave |
A a
peine 17 ans il a déjà « vécu et
je commence a savoir ce que c’est la vie de l’homme et il ne faudra pas l’on
m’embête….on voit la mort quelques fois bien prêt mais ca ne fait rien on n’est
pas des Fortier pour rien.. »
Il
évoque son pauvre Papa perdu a peine 1 an plus tôt a qui il aurait aimé lui
raconter « les
trucs de la guerre.. »
Gabriel Fortier, père de Gustave |
Gustave s’inquiète des récoltes et
du prix du blé « les
voleurs tournent ». Le prix du blé libre
auparavant sera réglementé avec la guerre, plusieurs loi vont fixer également
le prix maximum des denrée a base de céréales.
Les
Céréales : Le
Maghreb a toujours cultivé des céréales, blés durs, qui ont toujours donné aux
indigènes la semoule, base de leur alimentation; orge, qui donne aussi du pain
et qui, dans l'alimentation des chevaux, remplace l'avoine de chez nous; pour
mémoire, dans certains coins; la Kabylie par exemple, le sorgho (bechna).
La colonisation a introduit des
céréales nouvelles, le blé tendre par exemple, l'avoine, le maïs, mais ces céréales
nouvelles restent subordonnées. Elles n'ont pas détrôné le blé dur et l'orge qui sont
adaptés au pays, et auxquels une sélection millénaire a donné des qualités très appréciées.
L'influence
de la colonisation, qui est énorme, a porté sur autre chose : les instruments
et les méthodes de labour. L'indigène ne connaissait que
l'araire, la petite, charrue à soc en bois, qui
égratigne le sol. Le colon a introduit la grande charrue des labours profonds. Les machines
agricoles modernes ont une très grande diffusion et sont l'objet d'un gros commerce
d'importation. Ajoutez l'usage du fumier, des engrais chimiques. Malgré les efforts prolongés des
colons, le blé dans la Mitidja n'a
jamais pu rendre plus de 10 à 12 pour 1. C'était un progrès énorme; l'indigène n'obtient guère que du 5 au 6. Mais sur nos
plateaux limoneux de la Picardie, par exemple, le rendement est de 40 à 50.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire