dimanche 15 mai 2016

Article sur les Téléphonistes, Gustave est téléphoniste, il décrit dans ses lettres le travail du téléphoniste, cet article permet de juger de l'importance de ce rôle dans la stratégie du front et du danger permanent pour assurer le liaison entre les unités. "...Quel héroïsme de tous les instants il lui faut, quel travail il doit fournir! Pour lui jamais de repos, et c’est souvent au moment des attaques que le fil est coupé par les obus et c’est a ce moment ou chacun se terre que lui « va sur la ligne », monte aux arbres, rampe se glisse dans les boyaux effondrés, dans la boue, glisse, trébuche sur les cadavres!"

L’Echo d’Alger du 16 mai 1916 (BNF – Gallica)
Nos Téléphonistes sur le Front
LEUR HÉROÏSME A PERMIS D’ORGANISER RAPIDEMENT LA RÉSISTANCE DE VERDUN
Du Petit Journal :
L’organisation téléphonique actuelle est une chose toute nouvelle, rien de ce qui existe n’avait été prévu, comme pour bien d’autres choses, c’est sous le nez de l’ennemi que ce formidable service qui englobe tout maintenant, s’est constitué.
Un régiment , une batterie partait en guerre avec 500 mètres de méchant petit fil métallique, un petit appareil « vibreur », on s’en servait ou l’on ne s’en servait pas!. C’était un encombrement, ca ne marchait jamais , on faisait même de la « signalisation » à bras (!) au besoin on se servait « d’agent de liaisons », on croit rêver en pensant à ces choses.
Aujourd’hui, une seule batterie à 15 ou 20 kilomètres de fil de câble, 5 appareils dont 2 pour les réparations sur les lignes, 3 ou 4 multiples à 4 directions, ou nous avons souvent 12 à 15 lignes – le poste du Colonel a 30 ligne, celui du général, 100 lignes – La Batterie a un personnel de 25 ou 30 hommes rien que pour le téléphone, les gardes à prendre aux divers postes et réparation aux lignes.
Aussitôt en position, toutes les batteries sont immédiatement reliées entre elles et avec le P.C. (poste du commandant) et de là avec le colonel d’artillerie, qui l’est avec le Général. Chacun a son travail . Les batteries sont reliées en outre, dans le même temps, avec le colonel d’infanterie dont le régiment est en première ligne, avec un poste en première ligne, près du commandant de compagnie et avec les divers observatoires. Et tout cela se fait en quelques heures, des kilomètres de fil ou de câble se posent comme par enchantement, utilisant les arbres, les haies, les maisons en ruines ou pas, les boyaux, les tranchées, les murs, etc…, un central est souvent réé et tout marche. Mais, pour arriver à cela, vous doutez vous du travail, du courage, de l’abnégation, de la volonté qu’il faut déployer?
Les artilleurs des batteries ont leurs gourbis, leurs cagnas, ou ils peuvent s’abriter en cas « d’arrosage », le fantassin a sa tranchée et ses trous ou il peut, en somme, attendre relativement caché la fin de la rafale.
Le téléphoniste, lui, n’a rien, « et ne peut rien avoir », il va par tous les temps, sous les bombardements, poser sa ligne, sur les routes, dans les chemins, dans les plaines, dans les boyaux, afin d’assurer rapidement la liaison indispensable entre les armes et entre les chefs, la liaison indispensable à la moindre action.
De lui, simple, humble téléphoniste dépend souvent tout e succès d’une attaque, le fil est il coupé par les obus (et cela arrive a chaque instant, pendant le bombardement de Malincourt, tous les fils étaient coupés et il fallut les réparer entre le temps de la sortie des boches et leur arrivée a nos fils de fer) que se soit la nuit ou le jour, qu’il pleuve à torrent, que la rafale de fer fasse rage, il part afin de faire, il part afin de faire une « épissure » et d’assurer la liaison. Il sait que sans cela rien n’est possible, sa conscience seule le guide, il pourrait attendre, se cacher, jamais il ne le fait, il sait que s’il laisse l’infanterie séparée de l’artillerie trop longtemps, ses camarades peuvent se faire surprendre et se faire massacrer. Il va, cherche dans la nuit, tombe vingt fois dans les trous d’obus, dans les chemins inconnus, répare sa ligne et rentre souvent pour repartir un instant après. Souvent aussi, il y reste victime d’un fusant très bas!
Alors on dit ici, avec l’esprit que vous connaissez : « un tel, il a séché sur le fil. »
Et un instant après, un autre partira.
Le téléphone. Mais sans lui la guerre actuelle serait impossible. Le fil téléphonique représente les vaisseaux sanguins qui distribuent la vie, l’action dans touts les parties du corps. Le téléphone, surtout celui de l’artillerie, c’est l’œil avancé de la batterie, c’est grâce à lui que l’on peut régler le tir de notre 75 et lui faire donner son rendement formidable, c’est grâce au téléphone qu’à la seconde même ou l’on en a besoin on déchaine sur l’ennemi le « tri de barrage » qui arrête net son attaque inattendue et que l’on sauve la situation. C’est grâce au téléphone que, lors d’une attaque de notre part, le tir de l’artillerie s’allonge, juste au moment ou les nôtres, sublimes, bondissent dans la tranchée d’en face, baïonnette en avant.
C’est enfin grâce à un humble téléphoniste sans arme, qui est là, crispé sur son petit appareil, en première ligne, que les capitaines, les commandants, les colonels, le général, sont tenus au courant, minute par minute, des moindres phases de l’action et peuvent, suivant la tournure de l’instant prendre telle ou telle position.
Si nos téléphonistes ne s’étaient pas sacrifiés comme ils l’ont fait, les secours et les renforts pour Verdun seraient arrivés trop tard.
Voyez-vous, l’importance unique du téléphone et le rôle que jour le téléphoniste?
Quel héroisme de tous les instants il lui faut, quel travail il doit fournir! Pour lui jamais de repos, et c’est souvent au moment des attaques que le fil est coupé par les obus et c’est a ce moment ou chacun se terre que lui « va sur la ligne », monte aux arbres, rampe se glisse dans les boyaux effondrés, dans la boue, glisse, trébuche sur les cadavres!


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